Notre premier article rend hommage à la reine du whisky, l’orge ! La compilation des recherches et des écrits sur l’orge dépasse largement le format de notre rubrique. L’orge fascine par son ancienneté de domestication (environ douze mille ans), son aire d’implantation sur la planète (y’en a presque partout), ses différentes formes et couleurs (nue ou vêtue, bleutée, noire ou dorée), ses modes de culture.
Même Nutsy, le cocker mascotte de Soligny y perd ses repères…
A Soligny, comme on aime les choses simples qui ont du goût, on va aller à l’essentiel : pourquoi l’orge plutôt que d’autres céréales pour le whisky ?
En fait, pour y répondre, il faut remonter la chaîne de production du whisky : pour faire du whisky, il faut produire et concentrer de l’alcool.
On extrait l’alcool d’un liquide en le faisant chauffer : la température de l’ébullition de l’éthanol est proche de 78°C alors que le reste du liquide va s’évaporer aux environs de 100°C. Il faut donc récupérer les vapeurs qui s’échappent du liquide chauffé au-dessus de 78°C et jusqu’à 100°C, les refroidir pour les condenser et le tour est joué hips !
Pour produire de l’alcool, le plus simple est de laisser fermenter un liquide sucré en utilisant la levure Saccharomyces cerevisiae. Elle transforme le sucre en alcool, en eau et en gaz carbonique en dégageant de la chaleur…
Il n’y a pas de sucre dans les céréales (sauf dans celles du petit déj !). En revanche, le grain de céréale est principalement composé d’amidon, une longue chaine de molécules de glucose reliées entre elles par une liaison oxygène (vous me suivez ?). Donc il suffit de casser cette liaison pour obtenir le glucose tant recherché.
L’outil fatal à cette liaison est une enzyme, l’amylase. On la trouve à plus ou moins forte concentration à l’état naturel dans le futur germe de la graine des céréales. En effet, quand le grain germe, il libère des amylases qui transforment l’amidon en sucres utilisables par la plante pour générer ses premières racines et le début de sa tige… Le schéma ci-dessus résume ces réactions chimiques naturelles. Retrouvez l’amylase, la liaison fatale oxygène, et le méchant CO2 !!!
Devinez quelle céréale contient le plus d’amylases : l’orge…
Comment les Ecossais, les Egyptiens, les Tibétains ont-ils imaginé cela quasi simultanément? C’étaient de bons observateurs : lorsque les moissons se passaient mal, les grains étaient humides, ils germaient facilement, empêchant les céréales d’être stockées pour l’hiver. On cuisait alors une bouillie d’orge, ce qui permet de conserver un peu de la production, mais cette bouillie fermente naturellement rapidement. Il fallait donc recuire la bouillie. En la chauffant, la cuisinière qui remuait le chaudron en appréciait les vapeurs, parfois elle s’endormait…
Plus sérieusement, on utilise l’orge pour le whisky parce qu’elle permet de transformer un maximum d’amidon en sucre, puis en alcool. Les whiskys de grains (qui utilisent du blé, du seigle ou d’autres céréales) requièrent l’ajout d’enzyme soit en incorporant de l’orge maltée, soit en ajoutant de l’enzyme exogène.
Malter l’orge, c’est simuler un début de germination pour libérer l’amylase dans le grain, faire re-sécher le grain pour stopper le processus et conserver le grain très longtemps. Pour relancer la conversion d’amidon en sucre, on broie le grain, on le mélange à de l’eau chaude et le tour est joué !
Vincent